Les temps changent
La voix éraillée, l’harmonica dissonant, Bob Dylan chante en 1963 : The times they’re changing, une chanson composée dans l’élan de la marche pour les droits civiques aux Etats-Unis, époque où l’on pensait que les choses pouvaient changer. Depuis on s’est réveillé dans un monde où la consommation à échelle mondiale et l’omniprésence des images pèsent sur nos univers ; où l’on assiste à une mondialisation paradoxale et partielle, où les frontières s’ouvrent aux produits financiers et aux marchandises mais se ferment aux hommes. Une époque où la méconnaissance de l’autre persiste et le rejet de l’étranger se banalise.
Dans Bob Dylan, une biographie, François Bon évoque le lieu de naissance de Bob Dylan : Duluth, Minnesota, avec la nécessité de dresser une cartographie « Il faut commencer par prendre des cartes ou un atlas pour rejoindre Bob Dylan. Pour cheminer vers lui, on doit poser ce fond, ce paysage, une perspective, et lui donner la bonne taille : celle où on le retrouvera, l’échelle du monde.» Traverser le temps, arpenter l’espace : des préoccupations majeures pour les artistes qui ont cette capacité à arrêter le temps, à le dépasser, à se projeter et à faire se confondre le proche et le lointain. Les outils qu’ils n’ont de cesse d’inventer permettent de tracer des lignes qui désignent du même trait ce qui relie et ce qui sépare, des lignes qui signifient à la fois le lien et la frontière. Ils, elles avancent avec leurs intuitions, menant quêtes et enquêtes recelant des multiplicités de points de vue et d’hypothèses. Il faut juste prendre le temps pour saisir ce qui pourrait.
Les temps changent pour de jeunes artistes qui après cinq années passées dans une école d’art se projettent dans le monde en affirmant leurs désirs d’invention et de création sans perdre de vue qu’ils en sont non seulement les observateurs mais aussi les acteurs n’étant ni aveugles, ni sourds au monde.
Que cet hymne poétique de Bob Dylan, toujours d’avant-garde, puisse être un formidable catalyseur d’énergie pour ces huit artistes (jeunes) et les autres…
Christophe Desforges
Commissaire de l’exposition
& professeur à l’EESAB